"Elle voulait tout contrôler de ma vie" : le témoignage d’Audrey, sous l’emprise de sa mère pendant de longues années

Dans Manipulé·es, le podcast de témoignages lancé par Femme Actuelle, celles et ceux qui prennent la parole ont tous vécu l'emprise. Au sein du couple, au travail, dans le cadre amical ou familial, ils ont été victimes de relations destructrices, teintées de manipulation, de dépendance et de violences psychologiques. Le premier épisode a donné la parole à Nathalie, une psychologue qui a été sous la coupe de son ancien partenaire. Dans le second épisode, c'est Audrey*, sous l'emprise de sa mère pendant de longues années, qui raconte son histoire.

“On ne sort pas indemne d'une enfance comme celle-ci”

“Elle voulait absolument tout contrôler de ma vie”. C’est en ces termes qu’Audrey résume le comportement de sa mère, qu’elle a subi durant toute sa jeunesse, mais aussi à l’âge adulte. Si elle est aujourd’hui libérée de son emprise, elle garde des séquelles de cette relation toxique : “On ne sort pas indemne d'une vie et d'une enfance comme celle-ci”, souligne-t-elle.

Son enfance a ainsi été marquée par les brimades de sa mère, qui prétendait de cette façon la préparer à tout ce qu’elle allait rencontrer de difficile dans son existence. Cela passait notamment par le contrôle de son poids. “Faisant partie d'une famille, d'obèses (...) on essaye de surveiller son alimentation, mais après, on est tombé dans les sévices”, raconte Audrey. Sa mère pesait ainsi tous les aliments que la petite fille consommait, lui interdisait de boire du chocolat au lait ou encore la critiquait sur son physique et son poids.

“Je devais rester à la maison, être sa petite esclave”

Un contrôle de tous les instants, et qui concernait tous les pans de son existence. “L'hyper contrôle se manifestait notamment de par la surveillance absolue qu'elle avait de ma vie”, raconte Audrey. Elle devait ainsi rentrer de l’école immédiatement, ne pouvait pas passer de temps avec ses amis, que sa mère dénigrait par ailleurs, ou encore n’avait pas le droit de regarder la télévision. “Je devais rester à la maison, être sa petite esclave, qui lui fait à manger, qui fait le ménage”, se souvient-elle.

L’humiliation faisait aussi partie du quotidien d’Audrey. Elle se souvient notamment du jour où sa mère à lu son journal intime à voix haute, dévoilant ainsi ses pensées les plus personnelles. Un comportement qui serait, d’après Audrey, à l’image de l’éducation reçue par sa mère : “Elle-même a été - de ce qu'elle a pu raconter, tout du moins - assez maltraitée par sa maman. Et je pense qu'elle a fait une espèce de reproduction”, explique-t-elle.

“Comment on peut faire ça à son enfant ?”

Cette enfance marquée par les brimades et les humiliations a évidemment eu de multiples conséquences sur Audrey, parmi lesquelles des compulsions alimentaires et un grand manque d’estime d’elle-même. “Bien évidemment, quand on est traité comme une merde, on se sent comme une merde (...) On s'est tellement entendu dire qu'on était moche, qu'on était grosse, qu’on se dit qu'on est moche et grosse”, explique-t-elle. Une réalité qui a notamment eu des répercussions sur ses relations avec les hommes.

Audrey a ainsi quitté le domicile familial assez jeune et s’est mariée rapidement. “Ça m'a fait un petit peu de bien au début, de me dire : ‘Je suis mariée, je suis casée, donc je gagne une forme de normalité’”, raconte-t-elle. Elle est ensuite devenue maman à son tour, ce qui a amorcé chez elle le début d’une prise de conscience concernant sa mère : “On se dit : comment elle a pu me faire ça ? Comment on peut faire ça à son enfant ?”.

“J'ai fait voler en éclats cette chape de plomb qu'elle avait mis sur ma tête”

La jeune femme a ensuite été confrontée à des problèmes avec son mari, qui l’ont poussée à consulter une psychologue : “Il a fait une dépression (...) qui lui a fait me dire des choses pas très gentilles et qui m’ont ramenée à mon enfance”, raconte-t-elle. Sa prise de conscience s’est alors poursuivie pendant sa thérapie : “Tout ce qui a fait que je ne m'aimais pas et que je ne me sentais pas à l'aise dans ma peau était éminemment dû à l'éducation que j'avais reçue”.

C’est d’ailleurs cette psychologue qui a employé pour la première fois le mot “toxique” pour décrire sa relation avec sa mère. Sa thérapie a duré deux ans, un processus long mais nécessaire, qui l’a aidée à se reconstruire, et à sortir progressivement de l’emprise de sa mère.

Le déclic final a eu lieu le lendemain du mariage de son frère. Pour la toute première fois de sa vie, Audrey a décidé de répondre à sa mère qui la critiquait sur ce qu’elle mangeait et sur son poids. “Les paroles ont commencé à sortir de ma bouche toutes seules et je ne les ai pas retenues”, raconte-t-elle. Une prise de parole libératrice lui a permis de “faire voler en éclats cette espèce de chape de plomb qu'elle avait mis sur ma tête depuis mon enfance”.

“Ça fait beaucoup de bien de pouvoir exprimer ce qu'on ressent”

Après cet épisode marquant, Audrey a eu l'impression “de naître une deuxième fois”. Depuis, elle réapprend à s’aimer, et confie aller mieux aujourd’hui : elle a refait sa vie avec un homme qu’elle aime et qui l’aime, est heureuse de voir ses enfants épanouis et gravit les échelons dans le cadre de son travail.

Elle souligne l'importance qu’a eue la thérapie dans sa reconstruction : “Ça fait beaucoup de bien de pouvoir parler pour exprimer ce qu'on ressent, de pouvoir mettre des mots aussi sur ce qui nous arrive”. Elle conseille ainsi aux personnes aux prises d’une personnalité toxique de se faire aider, mais aussi d’apprendre à “dire à la personne qui nous fait du mal qu'elle nous fait du mal ou qu'elle nous a fait du mal”. “C'est déjà un pas vers la guérison (...) et surtout un pas vers la liberté”, conclut-elle.

*Le prénom a été modifié.

Pour écouter l’intégralité du témoignage d'Audrey, issu du podcast Manipulé·es, rendez-vous sur Apple Podcast, Spotify, Deezer, ou encore Amazon Music.